Chapitre 9 : Etude thermodynamique des changements de phases des corps purs
Plan
1. Définition de la chaleur latente
de changement de phase (d’état) d’un corps pur
2. Etude énergétique
2.1. Définition du titre. Règle du levier.
2.2. Relations de Clapeyron
3. Etablissement des bases de données sur les fonctions
d'état
4. Mesure des chaleurs latentes
4.1. Dispositifs expérimentaux
4.2. Résultats
Le lecteur se reportera avec intérêt au chapitre "Structure de la matière" paragraphe "changements de phases".
1. Définition de la chaleur latente de changement de phase (d’état) d’un corps pur
L'étude des changements de phases (chapitre Structure
de la matière) nous a montré que la température est fixée
pour un corps pur sous deux phases quelques soient la proportion (massique ou
volumique) de deux phases.
Par expérience quotidienne, nous savons que nous échangeons de
la chaleur lorsque nous réalisons un changement de phases mais, à
ce stade du cours, les seules expressions théoriques d'échanges
de chaleur sont limitées aux systèmes sous une seule phase.
Il s'agit de traduire l'échange de chaleur lorsque nous passons de l'état
1 à l'état 2 à pression constante .
L'écriture de la variation d'enthalpie et l'écriture
du premier principe pour le changement de phases permet d'écrire :
|
Définition On appelle chaleur latente (massique ou molaire) de changement
d’état d’un corps pur à la température T la
variation d’enthalpie (de l’unité de masse ou d’une mole) de ce
corps passant d’un état (solide, liquide ou gazeux) à un
autre état. |
Les chaleurs latentes sont symboliquement notées .
Ainsi
, variation
d’enthalpie de l'état 1 à l'état 2 est la chaleur latente
pour passer de l'état 1 à l'état 2 suivant l’isobare de
pression
.
Les chaleurs latentes de fusion
(transition solide à liquide), de vaporisation
(transition liquide
à vapeur) et de sublimation
(transition solide à gaz) sont positives
c’est à dire qu’il faut fournir de la chaleur pour faire fondre un solide,
vaporiser un liquide ou sublimer un solide.
Les chaleurs latentes de solidification, de condensation à l’état
liquide et de condensation à l’état solide sont respectivement
opposées à celles de fusion, de vaporisation et de sublimation.
2.1. Définition du titre. Règle du levier.
L'étude sera menée à partir de l'équilibre liquide-vapeur. Mis à part ce qui sera présenté autour du point critique C, les résultats sont généralisables aux équilibres solide-liquide et solide-gaz.
|
Nous raisonnons sur une unité de masse de corps pur et considérons les deux paliers de liquéfaction A1A2 et A’1A’2 à température T et T + dT. On appelle x le titre de vapeur saturante défini
comme étant la proportion en masse de vapeur dans le mélange
liquide-vapeur. Soit |
La pression de vapeur saturante étant une fonction de
T, les variables d’état indépendantes pour le mélange
liquide-vapeur sont x et T.
La quantité de chaleur Q échangée pour passer de
A1 à A suivant le palier de liquéfaction
est :
L’énergie interne en A sera :
L’entropie en A sera :
On remarquera l’analogie des formules donnant le titre en fonction des volumes, des enthalpies, des énergies internes et des entropies.
Capacités calorifiques massiques de vapeur saturante et de liquide saturant
Soit dQ’ la quantité de chaleur échangée dans la transformation allant de A2 à A'2 suivant la courbe de rosée.
est la capacité calorifique massique de la vapeur saturante.
De même, suivant la courbe d’ébullition, on définit
la capacité calorifique massique du liquide saturant
La capacité calorifique du liquide saturant est très
proche (sauf au voisinage du point critique) de la capacité calorifique
du liquide à volume constant.
La capacité calorifique de la vapeur saturante est inférieure
et très différente de celle de la capacité calorifique
à volume constant de la vapeur sèche. Elle est assez souvent négative,
ce qui veut dire que, pour diminuer la température d’une vapeur saturante,
il faut lui fournir de la chaleur.
Pour l’unité de masse de corps, nous considérons la transformation
de l’état A(x, T) à l’état A’’(x+dx, T+dT)
en utilisant l’état intermédiaire A’(x, T+dT).
La quantité de chaleur échangée pour passer
de l’état A à l’état A’’ est :
La variation d’entropie entre A et A" sera :
La variation d’enthalpie entre A et A’’ sera :
La relation de Cauchy appliquée aux deux différentielles
totales permet
d'écrire :
ð
ð
En tenant compte de la relation ,
on obtient sans difficulté particulière les très importantes
relations de Clapeyron.
|
Pour les équilibres solide-liquide et solide-gaz, nous pouvons faire des raisonnements analogues et obtenir :
|
Il existe plusieurs démonstrations des relations de Clapeyron, celle (non présentée) faisant intervenir la fonction d’état enthalpie libre et la notion de potentiel chimique nous parait la plus intéressante.
" Justification " des formules de Dupré et Rankine
Loin du point critique,
est très inférieur à
(pour l’eau
et
à
100 °C ; la température critique est 374,2 °C)
si
on admet que la vapeur sèche jusqu’à sa limite saturante obéit
à l’équation d’état des gaz parfaits.
formule
de Dupré si
pour l’intervalle de température ou formule de Rankine si
.
3. Etablissement des bases de données sur les fonctions d'état
Les ingénieurs thermodynamiciens et les chimistes ont
établi (établissent), en regroupant, recoupant et analysant les
résultats expérimentaux, des bases de données leur permettant
d'accéder facilement, à différentes températures
et différentes pressions, aux valeurs rendant compte des propriétés
de la matière.
Ces bases de données (qui, pour un grand nombre de corps, sont du domaine
public) sont présentées sous forme de tables, de diagrammes ou
de logiciels.
Il faut distinguer :
qui sont déterminées après calcul.
Nous remarquons que la connaissance de l'enthalpie et de l'entropie suffisent pour déterminer toutes les fonctions d'état et nous limitons notre propos sur l'établissement des bases de données sur les fonctions d'état aux corps purs.
Pour un corps pur, sous une phase, nous avons établi
les relations :
ð
à pression constante
ð
à pression constante
L'enthalpie est connue de manière relative (à
une constante additive près) alors que l'entropie est connue de manière
absolue compte tenu du 3ème principe de la Thermodynamique
(Un corps à température absolue nulle a une entropie nulle)
En ce qui concerne l'enthalpie, on définit un état de référence
où on pose que l'enthalpie est nulle. Cet état de référence
est celui de l'état des corps purs simples à la température
de 298 K et à la pression de .
En fait, comme on ne calcule que des variations des fonctions d'état entre deux états différents, la notion d'état de référence pour calculer la valeur d'une fonction d'état n'a pas une grande acuité.
Ainsi le long d'une isobare, pour un corps ne changeant pas
de phase,
et
Lors d'un changement d'une phase 1 à une phase 2, celui-ci
se produisant à température
et à pression
fixées, on obtient :
4. Mesure des chaleurs latentes
4.1. Dispositifs expérimentaux
Chaleur latente de fusion
On utilise un calorimètre adiabatique dans lequel est
maintenu à une température constante
légèrement supérieure à la température de
fusion
du corps
à étudier. On y introduit une masse m de ce corps à
une température
légèrement inférieure à
(le corps est donc en phase solide) ; on maintient la température
du calorimètre constante à l’aide d’une résistance immergée
dans le calorimètre et parcourue par un courant électrique réglable.
,
si Q est la quantité de chaleur fournie par effet Joule,
les capacités calorifiques massiques du corps à l’état
solide et liquide et
la chaleur latente massique de fusion du corps.
Chaleur latente de vaporisation
Appareil de Richards |
Un vase Dewar est traversé par un tube T ouvert
à ses deux extrémités. Ce tube se raccorde à
un serpentin S plongé dans un calorimètre adiabatique. Le
serpentin aboutit à un réservoir de condensation R et communique
avec l’atmosphère par le tube A . L’ébullition du liquide
placé dans le vase Dewar a lieu ainsi sous la pression atmosphérique. |
|
L’appareil est entièrement clos et la pression
intérieure est obtenue grâce à une atmosphère
artificielle (réservoir de 600 litres pouvant supporter des pressions
inférieures à 20 atmosphères). Un robinet R permet
de mettre la chaudière en communication soit avec un condenseur
C, soit avec un serpentin de condensation S. |
Quand la distillation est devenue régulière,
on met la chaudière en communication avec le serpentin. La vapeur sèche
qui arrive s’y condense et quand l’expérience a duré assez longtemps,
on remet la chaudière en communication avec le condenseur, puis on recueille
avec le robinet r l’eau condensée en S.
Désignons par m la masse du liquide condensé,
sa capacité calorifique massique,
sa chaleur latente de vaporisation sous la pression considérée
à la température
et
la valeur
en eau du calorimètre dont la température initiale est
et la température finale
.
Le bilan énergétique s’écrit :
Cette méthode se prête très facilement à la mesure des chaleurs de vaporisation.
|
On produit la vaporisation par le passage d’un courant
d’intensité I dans une résistance R immergée
dans le liquide. |
L’augmentation de volume
produite par la vaporisation est égale au volume de vapeur
sorti de la chaudière ð
.
m diffère d’autant plus de m’ que l’écart
est plus faible c’est à dire que l’on s’approche de la température
critique.
Le tableau ci-après donne les valeurs pour l’eau.
Températures |
|
|
|
|
|
|
|
1,673 |
0,1272 |
0,02162 |
0,00500 |
0,00450 |
0,00323 |
|
0,001043 |
0,001156 |
0,001404 |
0,00223 |
0,00238 |
0,00323 |
Chaleur latente de fusion
Sous la pression atmosphérique, pour différents corps :
Chaleur latente de vaporisation
|
Les chaleurs latentes de vaporisation diminuent avec
la température et atteignent une valeur nulle au point critique
puisque phases liquide et gazeuse sont identiques. |
Nous donnons ci-après quelques chaleurs latentes massiques de vaporisation exprimées en kj/kg sous une pression d’un atmosphère.
Ammoniac 1425 ; Benzène 393 ; Dioxyde de Carbone 594 ; Eau 2253 ; Dioxyde de Soufre 397 ; Ethanol 903
L’importances des valeurs des chaleurs latentes et, plus particulièrement, de celles de vaporisation justifie l’utilisation des changements de phase dans beaucoup de machines thermiques.
Les chaleurs latentes de fusion, de sublimation et de vaporisation sont positives, celles de solidification, de condensation à l’état solide et de condensation à l’état liquide sont respectivement égales et opposées.