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CHAPITRE 8 : Détermination des fonctions d'état associées à un système homogène, sous une phase, en équilibre

Plan

1. Variables intensives et extensives
2. Travail des forces de pression extérieure
3. Expressions de la quantité de chaleur dQ ; coefficients calorimétriques
3.1. Relations entre les coefficients calorimétriques
3.2. Conséquences mathématiques des premier et second principes
3.3. Détermination des fonctions d’état U, H et S
3.4. Exemple de calcul des fonctions d'état U, H et S : le gaz parfait
4. Mesure des capacités calorifiques
4.1. Méthodes de mesure pour les solides, les liquides
4.2. Méthodes de mesure pour les gaz
4.3. Résultats

Nous limitons nos propos aux variables d’état pression, volume, température et quantité de matière.

1. Variables intensives et extensives

Nous considérons un système S homogène, sous une seule phase, en équilibre. Les variables d’état y sont uniformes et constantes.
Elles sont liées par une équation d’état f(p, V, T, n ou m) = 0.
Considérons une partie S’ de S et notons que dans cette partie pression p et température T sont inchangées alors que le volume est devenu l V, la quantité de matière l n ou l ml est compris entre 0 et 1.
Les variables d’état ont un caractère différent. On dira que pression et température sont des variables intensives, que volume et quantité de matière sont des variables extensives.
Ainsi si nous écrivons l’équation d’état pour S sous la forme V = V(T, p, n ou m), elle s’écrira pour Sl V= V(T, p, l n ou l m) c’est à dire que la fonction V est une fonction homogène de degré 1 en n ou en m.

La notation générale que nous utilisons est la suivante :
L’indice M indique qu’une quantité est rapportée à une mole de matière (on dit molaire), la barre qu’elle est rapportée à l’unité de masse de matière (on dit massique).

Nous avons noté le caractère additif des fonctions d’état U et S.
Pour un système homogène, sous une phase, en équilibre ces fonctions seront extensives (). Il en sera, de même, de la fonction d’état enthalpie , la quantité pV produit d’une variable intensive par une variable extensive étant extensive.

2. Travail des forces de pression extérieure

Le piston (paroi mobile en translation) est la technologie la plus simple pour aborder l’échange d’énergie par travail provoquant un changement de l’état interne du système. Les études de technologies liées à des roues mobiles (turbines) sont plus complexes et ne sont pas envisagées dans le cadre de ce cours.

Fig. a - Nous raisonnons sur un piston plan de section S dont le déplacement est suivant la direction verticale x. Ce cas particulier n’enlève rien à la généralité de nos propos.

Il est soumis à la force de l’opérateur extérieur de composante verticale , à son poids , à la pression de l’environnement , à la force tangentielle de frottement de contact (seule la projection tangentielle travaille) et à la force qu’exerce le système fluide sur le piston ( est la force exercée par le piston sur le fluide).
Nous cherchons à connaître le travail dW échangé par le système fluide du à l’action du piston, soit est le vecteur déplacement élémentaire du piston.

L’application du théorème de l’énergie cinétique au piston permet d’écrire :

Pour le travail de la force de frottement, il s’agit de la vitesse de glissement du piston sur la paroi du cylindre qui, ici , se confond avec la vitesse v du piston puisque le mouvement est une translation.
La pression extérieure est définie par la relation si bien que le travail échangé s’écrit où nous avons introduit variation de volume du système fluide (pour un déplacement du piston positif, nous avons une diminution de volume du système ce qui explique l’origine du signe moins).
L’expression de d W est, même pour ce cas simplifié, difficilement manipulable car il nous faut connaître le problème mécanique.

Aussi nous envisageons d W

alors le travail échangé est égal à

Fig. b - Dans le cas général, le calcul doit être fait à chaque élément de surface dS sans faire d’hypothèse sur les directions des forces ou des déplacements.
La pression extérieure au point M doit être comprise comme la somme de la pression d’environnement et des projections, suivant la normale à l’élément de surface, des forces extérieures (force d’opérateur et poids). Alors
(en négligeant le travail des forces de frottement de contact et l’énergie cinétique de l’élément de surface)

Remarque : si , le travail est moteur (le système " pousse " sur le milieu extérieur) ; il est récepteur dans le cas opposé.

Cas d’une pression extérieure uniforme

Dans ce cas là, entre deux instants successifs, nous pouvons intégrer l’expression de à tous les éléments de surface.
dV est la variation de volume du système.

Cas d’une transformation quasistatique, d’une transformation réversible

Le système est en état d’équilibre ou très voisin d’un état d’équilibre. Les vitesses de déplacement ou de glissement sont " nulles ".
La pression du système est uniforme et égale à p. En écrivant le principe fondamental de la dynamique sur chaque élément de surface, on obtient :

(transformation réversible ; cette condition traduit aussi la condition d’équilibre mécanique sur une paroi mobile)

(transformation quasistatique)

Le travail échangé devient égal à

Représentation du travail dans un diagramme V, p

 

 

 

= - aire entre la courbe, les droites , l’axe V.

 

Cas d’un cycle : W > 0 si le cycle est décrit dans le sens trigonométrique (ou positif)

W < 0 si le cycle est décrit dans le sens inverse (ou négatif).

W > 0 le système est une machine réceptrice

W < 0 le système est une machine motrice

Ces schémas montrent que le travail des forces de pression extérieure dépend des états initial et final, des états intermédiaires c’est à dire de la transformation amenant de l’état initial à l’état final (on dit du chemin suivi).

3. Expressions de la quantité de chaleur dQ ; coefficients calorimétriques

Les premier et second principes permettent d’écrire :

et .

U (ou ) et S sont des fonctions des variables d’état. Par suite, pour une quantité donnée de matière et suivant le couple de variables indépendantes choisies, on obtient trois expressions équivalentes pour .

CV, Cp, l, h, l et m sont appelés coefficients calorimétriques.

CV et Cp ont un nom propre : respectivement, capacités calorifiques à volume constant et à pression constante.
Pour , on ajoute le mot molaire à la nomination ; pour , on ajoute le mot massique à la nomination.

CV, Cp, h et l ont un caractère extensif, les coefficients l et m sont intensifs.

; ; ;

Remarques :

3.1. Relations entre les coefficients calorimétriques

Par exemple,
En reportant dans la première expression de dQ et en identifiant avec la troisième, on obtient les relations

Il est possible de recommencer la procédure autant de fois que l’on peut et de trouver autant de couple de relations entre les coefficients calorimétriques.

Dans l’encadré ci-dessous, nous avons indiqué les relations utiles entre les coefficients calorimétriques et conseillons au lecteur de savoir les retrouver.

; ;

L’outil mathématique nécessaire à ce cours de Thermodynamique (calcul différentiel) n’est pas difficile : pratiqué de manière systématique, il demande un peu d'entraînement.
Le lecteur pourra utiliser, avec profit l’annexe " Outils de calcul pour Sciences physiques ".

3.2. Conséquences mathématiques des premier et second principes

Variables d’état indépendantes T, V

Les deux différentielles totales exactes obéissent à la relation de Cauchy.

Par identification et dérivation, on obtient :

Variables d’état indépendantes T, p

Les deux différentielles totales exactes obéissent à la relation de Cauchy.

Par identification et dérivation, on obtient :

Remarques

3.3. Détermination des fonctions d’état U, H et S

En remplaçant l ou h dans la relation entre coefficients calorimétriques et en utilisant la relation entre , on obtient :

Le coefficient de compressibilité isotherme est, pour tous les corps, positif ce qui fait que la capacité calorifique à pression constante est toujours supérieure à la capacité calorifique à volume constant.

Si l’équation d’état est connue, les coefficients calorimétriques l et h sont connus, la différence est connue, les coefficients l et m sont connus si le sont.

3.4. Exemple de calcul des fonctions d'état U, H et S : le gaz parfait

La méthode est transposable à toute matière dont on a déterminé l’équation d’état et dont on a des renseignements sur l’une des capacités calorifiques.

Coefficients calorimétriques

;

;

Ce résultat est connu sous le nom de relation de Mayer

Tous ces résultats théoriques sont conformes aux mesures présentées dans le tableau de résultats du paragraphe 4.

L’introduction de

;

Fonctions d’état U, H et S

Energie interne

L’énergie interne d’un gaz parfait ne dépend que de la température.

Un gaz dont l’énergie interne ne dépend que de la température obéit à la première loi de Joule

Ce résultat peut être validé par l’expérience appelée détente de Joule-Gay Lussac.
Pour un gaz monoatomique, est constant et égal à , sauf à des températures très voisines de 0 Kvarie rapidement.

Pour un diatomique, varie rapidement dans certaines plages de température, en dehors de ces domaines il est à peu près constant ð
Aux températures ordinaires

On se reportera au paragraphe 4 pour les résultats expérimentaux et leurs interprétations des des gaz parfaits.

Enthalpie

L’enthalpie d’un gaz parfait ne dépend que de la température.

Un gaz dont l’enthalpie ne dépend que de la température obéit à la deuxième loi de Joule

Ce résultat peut être validé par l’expérience appelée détente de Joule-Thomson.

Remarque 1 : On sait que les valeurs de H se déduisent directement des valeurs de U (et inversement) à partir de la définition.

H = U + pV = U + nRT.

Or et on retrouve

Remarque 2 : un gaz obéissant aux deux lois de Joule est un gaz parfait

Le gaz obéit à la première loi de Joule

à

Le gaz obéit à la deuxième loi de Joule

à

En rapprochant les deux résultats, on obtient

Soit . En remplaçant y ou j par sa valeur, il vient pV=KT qui est l’équation d’état des gaz parfaits.

Un gaz qui obéit aux deux lois de Joule est un gaz parfait.

Entropie

En utilisant les couples de variables indépendantes T, p ou p, V on obtient des relations similaires.

Dans des domaines de température où g est constant (c’est à dire où CV et Cp sont constants) l’intégration des formules de dS ne présente guère de difficulté.

4. Mesure des capacités calorifiques

4.1. Méthodes de mesure pour les solides, les liquides

En réalisant une transformation isobare, on détermine expérimentalement Cp . On calcule CV à partir de .
En fait les écarts relatifs restent faibles, 5% pour l’aluminium, 4% pour l’or, 3% pour le cuivre et l’argent, ... de l’ordre de grandeur des erreurs de mesures.

La méthode des mélanges

Un vase est rendu pratiquement adiabatique par une enveloppe isolante (ou un système d’isolation complexe). Un tel système est appelé calorimètre adiabatique. On y introduit une masse d’eau de capacité calorifique massique à pression constante .
Soit la température initiale de l’eau et du vase supposés en équilibre thermique. Un corps solide de masse M est extrait d’une étuve où il était en équilibre à température (en général, on choisit ).
On plonge le solide de capacité calorifique massique à pression constante dans le calorimètre le plus rapidement possible et on referme le couvercle.

On agite afin d’atteindre un équilibre à température finale au plus vite.
Soit m la masse d’eau qui échangerait d’un point de vue thermique comme le vase et les accessoires (agitateur, capteur de température).
La transformation est irréversible, isobare à la pression de l’environnement (le plus souvent, ).

Pour le système, corps solide + calorimètre, la quantité de chaleur, donc la variation d’enthalpie, est nulle.

L’enthalpie est une fonction d’état, sa variation ne dépend que des états initial et final.

soit

Cette méthode nécessite la mesure préalable de m qui pourra être faite par la méthode électrique exposée ci-après ou en faisant une expérience préalable avec une masse m’ d’eau à température connue à la place du solide.

La méthode électrique

Particulièrement adaptée pour les liquides, elle consiste à chauffer le liquide enfermé dans le calorimètre adiabatique à l’aide d’une résistance électrique. La connaissance de l’énergie électrique fournie et de l’élévation de température permet la mesure de la capacité calorifique.

V : tension aux bornes de la résistance ; I : courant électrique ; m : masse du liquide ; capacité calorifique massique à pression constante du liquide ; m : valeur en eau du calorimètre; : capacité calorifique massique à pression constante de l’eau ; DT : élévation de température.

Remarques :

4.2. Méthodes de mesure pour les gaz

Ces mesures sont difficiles en raison de la faiblesse des masses volumiques des gaz et donc des capacités calorifiques.

On mesure et l’on déduit soit de la formule , soit de la mesure de .

Dans le cadre des expériences de cours, nous étudierons deux méthodes :
- celle connue sous le nom de méthode du courant stationnaire (mesure de ; cette méthode peut être employée pour les liquides),
- celle connue sous le nom d’expérience de Clément et Desormes (mesure de g).

Un autre processus de mesure de g porte le nom de formule de Reech.
Nous avons introduit le coefficient de compressibilité isotherme , nous introduisons celui de compressibilité adiabatique et remarquons que en un même état.

Ainsi

 

Traçons dans un diagramme V, p (diagramme de Clapeyron) l’isotherme passant par le point A0 de coordonnées (p0 , V0). Les dérivées représentent l’inverse de la pente de ces courbes et on obtient :

En un même point, la pente de l’adiabatique, dans un diagramme V, p, est toujours plus accentuée que celle de l’isotherme.

 

4.3. Résultats

Cas des gaz

Le tableau ci-après et les courbes représentées rassemblent les principaux résultats.

CpM pour 1 atmosphère

CVM pour

g =

300 K

600 K

1200 K

1800 K

1 atm, 300 K

CpM - CVM

CpM / CVM

Gaz monoato He

20,6

20,6

20,6

20,7

12,5

8,11

~5/3

miques Ar

20,8

20,8

20,9

20,9

12,5

8,32

~5/3

Gaz diato O2

29,3

32,1

35,7

37,3

21,0

8,32

~1,4

miques N2

29,1

30,3

33,7

35,6

20,7

8,36

~1,4

H2

28,8

29,3

31,0

33,5

20,4

8,40

~1,4

Autres gaz H2O

36,3

42,2

49,7

CO2

37,1

47,2

56,4

59,8

28,4

8,65

~1,3

 

Commentaires : Les résultats sont donnés pour une pression atmosphérique normale pour laquelle, en première approximation, les gaz réels ont un comportement de gaz parfait.

Les courbes traduisent les évolutions de avec la température, des différences apparaissent avec l’atomicité.
La valeur de est égale à R quelque soit le gaz.
A la température T = 0 K, la valeur de est nulle. Elle évolue très rapidement (entre 0 et 2-3K) vers la valeur quelque soit le gaz.
Les gaz monoatomiques gardent cette dernière valeur quelque soit la température.
Ce résultat est conforme au principe d'équipartition de l'énergie et à l'affectation d'une énergie égale à par possibilité d'énergie et par particule (pour un atome, le mouvement général de translation -superposition dans l'espace euclidien de trois translations indépendantes- correspond à trois possibilités d'énergie). En ce qui concerne l'évolution entre 0 et 2-3K, il faut admettre que les atomes se mettent en mouvement progressivement lorsque la température augmente (Mécanique quantique).

Les autres gaz subissent deux évolutions pour , l’une autour de 150 K, l’autre autour de 1200-1500 K.
Pour les diatomiques, atteint la valeur , puis . Pour une atomicité supérieure, les résultats sont plus complexes. Ils dépendent de la forme de la molécule et de son atomicité. On atteint d’abord , puis une valeur plus élevée.

Pour interpréter ces résultats, il faut envisager des possibilités d'énergie supplémentaires.
Dans le cas de la transition autour de 150 K, les molécules entrent progressivement à ce niveau de température en rotation. Si on considère une molécule diatomique, il y aura deux possibilités nouvelles d'énergie (ð par molécule), la rotation autour de l'axe joignant les atomes n'est pas à considérer ; pour les polyatomiques, il y a trois possibilités d'énergie sauf dans le cas de certaines molécules triatomiques de type qui sont géométriquement linéaires.
Dans le cas de la transition autour 1200-1500 K, les possibilités supplémentaires d'énergie sont fournies par la vibration, à l'intérieur des molécules, des atomes les uns par rapport aux autres ; une vibration correspond à deux possibilités d'énergie (cinétique et potentielle). Le nombre de vibrations possibles pour une molécule est égale à : si A est l'atomicité et r le nombre de rotation à considérer.

Cas des solides

Le tableau ci-dessous donne la capacité calorifique massique et molaire à pression constante pour différents corps simples à température et pression ordinaires ainsi que les masses molaires M.

Be

B

C

Al

P

Fe

Cu

Ag

Sb

Pb

diamant

blanc

M en g

9

10,8

12

27

31

55,8

63,5

108

122

207

1,63

1,0

0,50

0,88

0,79

0,46

0,39

0,23

0,21

0,13

14,7

10,8

6,0

23,7

24,6

25,6

24,7

24,8

25,5

26,8

On constate, sauf pour les éléments légers tels que Be, B et C, que la capacité calorifique molaire est à peu près (loi de Dulong et Petit).

En fait varie avec la température (fonction croissante) et, pour tous les corps, tend vers 0 si la température tend vers 0.

Si la température est suffisante, atteint une valeur limite autour de 3R. Pour les éléments légers aux températures ordinaires, la valeur limite n’est pas atteinte.

Ces résultats sont conformes avec le principe d'équipartition de l'énergie, chaque atome du cristal ayant comme possibilités d'énergie des vibrations dans les trois directions de l'espace euclidien.

Certaines substances solides présentent plusieurs structures cristallines (on dit aussi plusieurs variétés allotropiques) et, à l’intérieur de l’état solide, il y a changement de phase ou d’état.
L’expérience montre que dépend de la structure cristalline : lors du passage d’une variété allotropique à une autre, les propriétés physiques subissent des discontinuités. La mesure de est un excellent moyen de mettre en évidence les transitions de phase de l’état solide.

Cas des liquides

Il n’y a pas de loi simple. Pour de nombreux liquides, on trouve un de l’ordre de 2000 j.kg-1.K-1 exception faite de l’eau dont la valeur est double. Cette propriété, jointe au fait que c’est un produit bon marché, fait de l’eau un fluide caloporteur (porteur de chaleur) de grand intérêt, très employé dans les circuits de refroidissement des moteurs, dans le chauffage central, dans les machines thermiques, ...