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CHAPITRE 6 : Le Premier Principe

Plan

1. Notion de conservation de l’énergie
2. Premier Principe de la Thermodynamique
2.1. Modification de l’état d’un système
2.2. Principe d’équivalence
2.3. Energie interne
2.4. Premier Principe de la Thermodynamique pour un système fermé
2.5. Transferts thermiques
3. Mécanique et Thermodynamique. Principe de conservation de l’énergie

Annexe : quelques rappels simples de Mécanique

Tout domaine des Sciences Physiques introduit le concept d’énergie. Bien que ce concept soit récent (environ deux siècles), il a largement dépassé le champ de compétences des Sciences Physiques et il n’est pas exagéré de dire qu’il conditionne " l’ordonnancement de nos vies sur la planète Terre " : le moindre " dérèglement " dans l’approvisionnement énergétique est source de conflits et d’interventions rapides dans un contexte où beaucoup pensent que le sort de l'aventure humaine sur la planète Terre va se jouer dans les quelques décennies à venir.

"Le défi qui nous attend n'est rien d'autre que d'assurer la survie de l'humanité" Mikaël Gorbatchev

1. Notion de conservation de l’énergie.

Le lecteur pourra utiliser avec avantage, si nécessaire, l’annexe " Quelques rappels simples de Mécanique " située à la fin du chapitre.
Le mot énergie vient du grec energhia qui signifie " force en action " c’est à dire capacité à produire un mouvement.
Ainsi un corps qui possède de l’énergie cinétique (jadis appelée " force vive ") peut continuer, de lui-même, son mouvement au moins sur une certaine distance même dans un milieu résistant (s’opposant au mouvement).
L’énergie potentielle (jadis appelée " force morte ") a la capacité à produire un mouvement puisque, spontanément, par exemple, un corps pesant non contraint chute, une particule chargée q non contrainte à potentiel électrique V () se met en mouvement vers des régions de moindre énergie électrique.

En Mécanique, on voit :

Très vite, le concept d’énergie mécanique se révèle insuffisant.

Un opérateur exerce une action (force) sur un système qui acquiert de l’énergie mécanique. Dans un certain nombre de cas il se trouve que le travail de l’opérateur est égal à l’énergie mécanique acquise par le système.
Ceci est satisfaisant pour l’esprit humain attaché à la notion de conservation : l’énergie acquise par le système a été perdue par l’opérateur qui a pu la transmettre (l’échanger) par travail.
Comment interpréter si le travail de l’opérateur n’est pas égal à l’énergie mécanique acquise par le système ? Ceci se produit lorsqu’il y a " des frottements, des résistances " et l’énergie mécanique acquise est toujours inférieure au travail de l’opérateur.
L’ énergie de l’Univers diminue t’elle ? Y a t’il possibilité d’une création spontanée d’énergie qui compenserait partiellement, totalement la perte d’énergie, voire la dépasserait ce qui ferait que l’énergie de l’Univers augmenterait.

La réponse à ces questions constitue le Principe de conservation de l’énergie.

2. Premier Principe de la Thermodynamique

Dans ce paragraphe, nous envisageons des systèmes ne changeant pas d'énergie mécanique (disons immobiles dans le référentiel d'étude)

2.1. Modification de l’état d’un système

par échange d’énergie sous forme de travail de forces d’opérateur extérieur

Un gaz est enfermé dans un récipient (cylindre) dont l’une (piston) des parois solides est mobile. Un opérateur extérieur en exerçant une force sur le piston provoque le déplacement de ce dernier et, par exemple, une diminution du volume occupé par le gaz. Il se produira une augmentation de la pression du gaz et, généralement, une variation de la température du gaz.

L’état du système gaz a changé.
L’opérateur a effectué un travail qui, suivant ce que nous a appris la Mécanique, est un échange d’énergie entre le système gaz et l’opérateur extérieur. Cet échange d’énergie se traduit par une modification des variables d’état.

par transferts thermiques (ou transfert de chaleur ou transfert d’énergie calorifique)

Lorsque nous mettons en "contact" des corps de températures différentes, nous produisons une modification de l’état de ces corps (changement des températures et/ou de phases).
L’eau contenue dans une casserole en contact avec la flamme d’un gaz en combustion voit sa température s’élever puis elle se met à bouillir c’est à dire elle se transforme en vapeur (gaz).
Nous ne pouvons attribuer ces modifications de l’état du système à des échanges d’énergie sous forme de travail.

Dans ce cas, nous parlons de transferts thermiques (ou de transfert de chaleur).

Cependant, il ne faudrait pas croire que ces deux façons d’agir sur un système peuvent être totalement équivalentes : par transferts thermiques, nous ne pouvons jamais affecter directement le mouvement d’un système.

2.2. Principe d’équivalence

Nous sommes tout à fait capables d’élever la température de l’eau contenue dans une casserole en mettant en mouvement des palettes solides (agitateur). Nous produisons des effets tout à fait comparables à ceux produits par transferts thermiques mais cette fois par échange d’énergie sous forme de travail.
Est-ce que les transferts thermiques (la chaleur) sont une autre façon d’échanger de l’énergie entre différents systèmes ?
La question a été longtemps débattue au 19ème siècle. La réponse fait partie du Principe d’équivalence à savoir que travail de forces et chaleur sont les deux seules façons possibles d’échanger de l’énergie entre systèmes fermés.
Les travaux de J. Joule au siècle dernier ont été déterminants.
Dans un calorimètre (récipient contenant de l’eau dont les parois peuvent être parfaitement isolées d’un point de vue thermique), Joule, dans un premier temps, élevait la température par échange d’énergie sous forme de travail (W était fourni au calorimètre et compté positivement), dans un deuxième temps, il ramenait le calorimètre à son état initial en le refroidissant par échange de chaleur avec l’extérieur (la chaleur Q était perdue par le calorimètre et compté négativement).
Les mesures de Joule, sur ce cas expérimental, montrèrent que
Ce résultat suppose que travail et chaleur soient comptés dans une même unité.
En fait, avant Joule, les quantités de chaleur étaient comptées en calories, la calorie étant la quantité de chaleur nécessaire pour élever 1g d’eau de 14,5 à 15,5 °C sous la pression atmosphérique normale.
Les expériences de Joule établissent un rapport entre l’unité travail (appelé actuellement Joule) et l’unité chaleur compris entre 4,1855 et 4,1860.

1 cal = 4,18 joules

Le résultat généralisé à tout système constitue le principe d’équivalence que nous énoncerons ainsi :
" Dans une expérience dans laquelle rien n’a varié d’autre que des quantités de travail et de chaleur échangées avec l’extérieur, il y a équivalence entre le travail et la chaleur " 
ou
" Lorsqu’un système thermodynamique fermé quelconque subit un cycle de transformations qui le ramène à son état initial, la somme du travail W et de la chaleur Q échangés est nulle "

2.3. Energie interne

Définition de l’énergie interne

Soit un système fermé évoluant d’un état I à un état F en échangeant avec l’extérieur du travail W et de la chaleur Q, sans que son énergie mécanique change. Imaginons plusieurs transformations notées 1, 2, ... pour aller de l’état I à l’état F et une transformation r ramenant de l’état F à l’état I. Nous appliquons le principe d’équivalence pour les différents cycles, à savoir :
; ; ......

La quantité W + Q est indépendante de la transformation amenant de l’état I à l’état F. Elle ne dépend donc que des états I et F dont on rend compte par les variables d’état.
Par définition, la somme W + Q est la variation de l’énergie interne U du système.

Définie par une variation, l’énergie interne U n’est connue qu’à une constante additive près. Elle ne dépend que de l’état du système.
Pour un système en état d’équilibre où les variables d’état (c’est à dire les paramètres mesurables qui rendent compte de l’état du système) sont constantes et uniformes, l’énergie interne est une fonction de celles-ci.
Par définition, on appelle fonction d’état une fonction des variables d’état.
Aussi l’énergie interne U est une fonction d’état U = U(variables d’état)

Visualisation de l’énergie interne

Compte tenu de ce que nous savons sur la structure de la matière, de l’énergie cinétique qui ne fait appel qu’à l’aspect macroscopique du système et de l’énergie potentielle qui est le résultat d’interactions avec d’autres systèmes macroscopiques, l’énergie interne est une notion simple qui comprend :

Une propriété importante de l’énergie interne découle de ce propos : l’énergie interne a un caractère additif.


2.4. Premier Principe de la Thermodynamique pour un système fermé

Pour une transformation quasi-statique, entre deux états d’équilibre infiniment proches, le premier principe s’écrit :

- dU est la variation élémentaire d’une fonction : mathématiquement, c’est une différentielle totale exacte,
- sont des quantités élémentaires qui ont l’aspect de formes différentielles. Ce ne sont pas des différentielles totales exactes car les fonctions W et Q n’existent pas.

On notera la différence de notation entre une différentielle d’une fonction (par exemple ) et une forme différentielle qui n’est pas différentielle d’une fonction (par exemple ).

Remarque : Très souvent aussi pour les systèmes que nous étudierons (nous ne disons pas pour le milieu extérieur) les variations d’énergie interne se limiteront à des changements d’énergie mécanique microscopique (pas de réactions chimiques ou nucléaires).


2.5. Transferts thermiques

Le transfert thermique (de chaleur) apparaît comme un transfert d'énergie interne (on dit aussi, au lieu de transfert thermique ou de chaleur, transfert d'énergie calorifique) lié à des différences de températures.
Il existe trois modes de transfert de chaleur dont les mécanismes internes sont différents :
- le transfert de chaleur par conduction, régi par la loi de Fourier, est le mode qui agit dans une matière immobile à l'échelle macroscopique, donc essentiellement dans les solides ;
- le transfert de chaleur par convection, régi par les lois de Navier-Stokes, est lié à des mouvements macroscopiques de matière, c'est donc le cas des fluides ; ces mouvements peuvent être naturels (cas des mouvements verticaux résultants de différences de températures où les températures les plus élevées sont aux altitudes les plus basses) ou forcés (provoqués par un ventilateur dans un gaz ou une pompe dans un liquide ;
- le rayonnement thermique, chaque corps émet et absorbe des ondes électromagnétiques dont l'énergie dépend de la température de surface du corps et de sa nature ; le transfert d'énergie est égal au bilan énergétique d'absorption et d'émission des ondes électromagnétiques entre deux corps ; le rayonnement thermique se propage dans le vide et les milieux transparents pour les ondes concernées.

Ce cours de base de Thermodynamique ne fait pas l'étude, même élémentaire, des lois du transfert thermique c'est à dire des lois liant échanges de chaleur et différences de températures.

3. Mécanique et Thermodynamique. Principe de conservation de l’énergie

Nous avions conclu le paragraphe 1 de ce chapitre sur un certain nombre de questions pour lesquelles nous sommes, en mesure, de répondre avec l'introduction du concept d'énergie interne et le principe de conservation de l'énergie.

Dans un référentiel, l'énergie totale d'un système est égale à

Mécanique et Thermodynamique mettent en évidence les notions d'énergies propres à un système et les possibilités d'échanges d'énergie entre systèmes mais, à ce stade de nos propos, il convient de noter une différence importante entre les deux matière :

Notre interrogation, à la fin du paragraphe 1 était : Qu’est devenue cette énergie mécanique perdue ? et la réponse constitue le :

Principe de conservation de l’énergie.

Pour un système dont l’énergie mécanique et l’énergie interne peuvent varier, nous postulons la conservation de l’énergie, à savoir

Si nous considérons le frottement entre mobiles,

Pour un effet Joule (perte d'énergie potentielle par frottement dans un système électrique), la Thermodynamique cherchera à connaître les variations d'énergie interne du système et ses échanges de chaleur avec un (éventuel) milieu extérieur.
Les échanges de chaleur ne sont possibles que s'il y a des différences de température entre systèmes en contact thermique. Ces différences de température sont liées à l'augmentation d'énergie interne, fonction d'état. Nous verrons qu'à pression constante (ce qui est le cas d'un nombre important de transformations de notre environnement quotidien) une augmentation d'énergie interne se traduit par une augmentation de température.
Aussi, affirmer, comme il est écrit souvent ou comme nous l'entendons de la part d'éminents collègues que "le travail des forces de frottement (perte d’énergie mécanique) devient de la chaleur" nous paraît souvent révélateur d'une méconnaissance de la notion d'énergie interne.

Cette phrase est vraie dans l'absolu c'est à dire au stade ultime des transformations où les systèmes finissent toujours par se refroidir dans notre environnement et augmenter la température moyenne de la planète Terre.

En résumé,

Toute augmentation (ou diminution) de l'énergie totale (globale) d’un système s’accompagne d’une diminution égale (ou augmentation égale) de l’énergie totale d’autres systèmes.

La création spontanée d’énergie n’existe pas.

Dans notre monde moderne, nous consommons énormément d’énergie interne dans les réactions chimiques (combustion) ou nucléaires. Nous transformons cette énergie dans les moteurs thermiques en énergie mécanique. Nous utilisons cette énergie sous cette forme ou, après transformation, sous forme d’énergie électrique. Une fois utilisée, nous avons une augmentation de l’énergie mécanique microscopique de notre environnement ... inutilisable et la température moyenne de la planète augmente.

Premier principe de la Thermodynamique pour un système ouvert.

La matière contient de l’énergie, il y a donc une autre possibilité d’échanger de l’énergie : échanger de la matière. Notre écriture du principe de conservation de l’énergie n’est donc pas étendue au cas de l’échange de matière.
Dans le cadre de ce cours, nous n'aborderons pasle transfert d’énergie accompagnant l’échange de matière c'est à dire les "systèmes ouverts".
En conséquence, la quantité de matière est enfermée et donc constante : elle ne peut être considérée comme une variable de l’état du système.
Nous aurons besoin dans la suite de ce cours de la fonction d’état enthalpie . Cette fonction nous paraîtra utile, facilitant les calculs. Le sens physique de l'enthalpie apparaît lors de l'étude des systèmes ouverts (hors programme)

Annexe : quelques rappels simples de Mécanique

1. Chute libre

Dans un référentiel galiléen d’origine O d’axe vertical ascendant Oz, l’étude de la chute libre d’un corps " ponctuel " M de masse m (en première approximation, il s’agit d’un référentiel lié au sol, de la chute d’un corps suffisamment dense et de la vitesse de son centre de masse) conduit à c’est à dire à la conversation de cette quantité au cours du mouvement (g est l’intensité du champ de pesanteur).
L’interprétation donnée à ce résultat à partir du principe fondamental de la dynamique est la suivante :
; par intégration ou encore

Par définition, est la différentielle de l’énergie cinétique d’une masse ponctuelle, la variation de l’énergie cinétique et l’énergie cinétique.
Les forces de pesanteur sont un cas très particulier. Le travail élémentaire d’une force est défini, de manière tout à fait générale, par la relation qui, pour la force de pesanteur, devient . L’intégration d’un point M1 à un point M2 conduit à , le travail est indépendant de la trajectoire, il ne dépend que de la différence d’altitude, des points de départ et d’arrivée.

2. Théorème de l’énergie cinétique

L’énergie cinétique se généralise à un ensemble matériel constituant un système (déformable ou non) et le théorème de l’énergie cinétique s’écrit : Wint est le travail des forces intérieures au système et Wext le travail des forces extérieures s’appliquant sur le système.

3. Forces dérivant d’une fonction potentielle (). Forces conservatives

(le travail est indépendant de la trajectoire, il ne dépend que des points initial et final).

Le théorème de l’énergie cinétique peut être réécrit ainsi W’int et W’ext sont les travaux des forces intérieures et extérieures ne dérivant pas d’un potentiel.

S’il n’existe que des forces dérivant d’un potentiel, alors
Les forces dérivant d’un potentiel sont appelées forces conservatives car, au cours du mouvement, elles conservent la quantité .
Ep est appelée énergie potentielle et Em énergie mécanique.
Remarque : pour la force de pesanteur, on montrera, sans peine, que

4. Signification des termes " énergie cinétique " et " énergie potentielle "

Le mot énergie vient du grec energhia qui signifie " force en action " c’est à dire capacité à produire un mouvement.
Ainsi un corps qui possède de l’énergie cinétique (jadis appelée " force vive ") peut continuer, de lui-même, son mouvement au moins sur une certaine distance même dans un milieu résistant (s’opposant au mouvement).
En quoi l’énergie potentielle (jadis appelée " force morte ") a t’elle cette capacité à produire un mouvement ?
Reprenons l’exemple de la chute libre. Un corps immobile, non tenu à une altitude z, spontanément chute et acquiert de l’énergie cinétique. Il a donc, en lui, une capacité à produire un mouvement, il a une énergie que nous appelons potentielle c’est à dire susceptible d’être produite.

5. Forces non conservatives

5.1. Forces d’opérateur extérieur

Comment le corps a t’il acquis cette énergie potentielle de pesanteur ? Il n’est pas venu à l’altitude z spontanément, il a fallu un opérateur extérieur pour exercer sur le corps une force opposée au poids du corps. Pour un corps ponctuel,

Le travail de la force produite par l’opérateur extérieur est transformé en énergie cinétique et énergie potentielle.
Le travail de l’opérateur extérieur n’est pas perdu, il a servi à augmenter l’énergie cinétique et potentielle du corps :

Le travail de l’opérateur extérieur n’a pas un caractère conservatif puisque la quantité n’est pas conservée. Il s’agit d’une force non conservative.
Le travail des forces non conservatives doit être compris comme un échange d’énergie entre deux systèmes. En aucun cas, il ne peut être considéré comme une énergie de l’un ou de l’autre des systèmes.

Remarque : Si l’intensité de cette force est très légèrement supérieure à celle du poids, alors le corps est porté à l’altitude z à vitesse pratiquement nulle (en Thermodynamique, on parle d’un mouvement fait d’une succession d’états d’équilibre) et le travail de l’opérateur, qui est minimal dans ce cas, est transformé uniquement en énergie potentielle.

5.2. Forces de frottement

Nous envisageons la chute d’un corps dans un milieu résistant (exemple le parachute).

puisqu'une force résistante s’oppose au mouvement.

En conséquence, , l’énergie mécanique diminue, elle n’est pas conservée.

Il y a perte d’énergie mécanique. Le corps perd de son énergie mécanique pour se mouvoir malgré la force résistante.